Solidité de la preuve relative au lien entre maladie parodontale et maladie cardiovasculaire

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Kaumudi Joshipura, baccalauréat en chirurgie dentaire, M. Sc., D. Sc.; Christine Seel Ritchie, M. D., M. Sc. (santé publique)

RÉSUMÉ L’objectif de ce compte rendu est d’évaluer la solidité de la preuve relative au lien entre maladie parodontale et maladie cardiovasculaire. Les maladies cardiovasculaires englobent habituellement l’athérosclérose (y compris les maladies coronariennes, les maladies artérielles périphériques et les accidents ischémiques cérébraux), les attaques d’apoplexie hémorragique, l’insuffisance cardiaque congestive, l’hypertension artérielle et la cardite rhumatismale. Ce compte rendu porte sur l’athérosclérose. Il pourrait exister un lien de causalité entre maladie parodontale et maladie cardiovasculaire, ou celles-ci pourraient s’expliquer par des facteurs de risque communs. Plusieurs pistes potentielles ont été proposées pour expliquer ce lien. Cet article évalue l’ensemble des preuves en fonction des critères d’inférence causale standards suivants : la force de l’association, la relation dose-réponse, la séquence temporelle, la cohérence, la spécificité, la vraisemblance biologique et l’indépendance par rapport aux facteurs de confusion. Chaque critère est examiné dans la mesure où il se rapporte à la documentation existante. Dans l’ensemble, la solidité de la preuve pour les critères de causalité en ce qui a trait au lien entre maladie parodontale et maladie cardiovasculaire est la suivante : la spécificité n’est pas importante et n’est pas établie ici; l’ampleur et la cohérence de l’association sont plus élevées pour les accidents vasculaires cérébraux; il existe quelques preuves de la relation dose-réponse; la cohérence est faible pour les maladies coronariennes; la séquence temporelle a été établie avec plus de preuves pour les accidents vasculaires cérébraux; et il existe certainement une vraisemblance biologique. L’indépendance par rapport aux facteurs de confusion est aussi plus élevée pour les accidents ischémiques cérébraux et pour les maladies artérielles périphériques. Parce que la pathogénie sous-jacente de l’athérosclérose est commune à plusieurs maladies, il est probable que les maladies parodontales constituent un important facteur de risque causal indépendant pour les maladies cardiovasculaires, dans l’éventualité où des études supplémentaires démontreraient des associations cohérentes.

Les maladies cardiovasculaires englobent plusieurs affections : les maladies cardiovasculaires athéroscléreuses (qui comprennent les maladies coronariennes, les maladies artérielles périphériques et les accidents ischémiques cérébraux), les attaques d’apoplexie hémorragique, l’insuffisance cardiaque congestive, l’hypertension artérielle, la cardite rhumatismale et les cardiopathies congénitales. Cet article porte sur l’examen des preuves établissant un lien entre maladie parodontale et maladie cardiovasculaire résultant de l’athérosclérose (maladies coronariennes, maladies artérielles périphériques et accidents ischémiques cérébraux).

Il est maintenant reconnu que l’inflammation joue un rôle clé dans la pathogénie de l’athérosclérose. Les cellules inflammatoires et les cytokines jouent un rôle important dans la formation de plaque sur la paroi des vaisseaux sanguins, mais aussi dans l’entretien et la rupture de la plaque et dans les complications thrombotiques qui s’ensuivent. L’inflammation peut être déclenchée, entre autres, par le tabagisme, le diabète et par des agents infectieux.1,2

Plusieurs pistes possibles ont été proposées pour expliquer le lien entre maladie parodontale et maladie cardiovasculaire (figure 1). La maladie parodontale peut augmenter le taux de médiateurs de l’inflammation dans l’organisme, et ainsi possiblement contribuer au processus athéroscléreux associé à l’inflammation3. Les agents pathogènes parodontaux peuvent aussi se disséminer dans la circulation générale et se localiser pour former des athéromes4. Il se peut aussi que les personnes atteintes d’une maladie parodontale et d’une maladie cardiovasculaire partagent des comportements communs ou qu’ils répondent de la même façon à l’inflammation (ce qui signifie une relation non causale). Par exemple, les personnes qui sont les plus susceptibles d’avoir une mauvaise hygiène buccodentaire pourraient aussi être plus susceptibles d’avoir d’autres comportements qui accélèrent le développement de maladies cardiovasculaires (p. ex., le tabagisme ou une diminution de l’activité physique). Il se peut aussi que les séquelles laissées par une maladie parodontale (p. ex., la perte des dents) entraînent des changements alimentaires, comme une diminution de la consommation de fruits et de légumes/de fibres alimentaires, ce qui pourrait par la suite influencer le risque de développer une maladie cardiovasculaire et d’autres affections. De plus, les personnes génétiquement prédisposées à l’inflammation générale peuvent connaître une augmentation de l’inflammation buccale sous forme de gingivite ou de maladie parodontale, ainsi qu’un risque accru de développer une maladie cardiovasculaire. En raison de cette complexité, il est difficile d’évaluer si la maladie buccale contribue réellement à augmenter le risque de développer une maladie cardiovasculaire (en tant que relation causale) ou si maladie parodontale et maladie cardiovasculaire partagent les mêmes facteurs de risque (figure 1). Cet article tente d’examiner les preuves détenues à ce jour afin de comprendre la solidité de la preuve et de mieux mesurer la possible causalité de cette relation.

CRITÈRES RELATIFS À L’INFÉRENCE CAUSALE

L’existence d’une combinaison de facteurs de risque communs (figure 1) expliquant en partie le lien entre maladie parodontale et maladie cardiovasculaire, ainsi que certaines pistes causales, semble probable. Pour évaluer l’existence possible d’un élément causal, les principales études prospectives sont analysées dans l’optique des critères de causalité proposés par Hill5. Certains de ces critères ont été contestés ou ont évolué au fil du temps; toutefois, les critères de base, toujours considérés comme l’approche standard pour évaluer la causalité, sont définis de façon individuelle et appliqués à la documentation pertinente5, 6. Ces critères comprennent la force de l’association, la relation dose-réponse, la séquence temporelle, la cohérence, la spécificité et la vraisemblance biologique. La différence entre cohérence et vraisemblance est très subtile; c’est pourquoi ces deux critères ont été combinés en un seul, soit la vraisemblance biologique6. De plus, le critère de l’expérience n’a pas été évalué puisqu’à ce jour, il n’existe aucune preuve directe provenant des essais cliniques, et qu’il est impossible de répartir les personnes par maladie parodontale de façon aléatoire. Enfin, le critère de l’analogie a été exclu puisque, comme l’affirme Rothman, « les scientifiques peuvent trouver des analogies partout », et que « l’absence de telles analogies indique seulement un manque d’imagination ou un manque de preuve »7

Certains épidémiologistes ont proposé un autre critère pour expliquer la causalité. Rothman définit un mécanisme causal comme un ensemble de facteurs qui, conjointement, suffisent à induire un événement binaire, et qui sont minimalement suffisants (c.-à-d. que le résultat changerait si un facteur était omis)8. Cette définition souligne la complexité potentielle de la causalité, mais elle fournit moins de structure pour évaluer l’effet d’une condition sur un autre résultat. Pour cet article, comme dans l’analyse antérieure9, le lien entre maladie parodontale et maladie cardiovasculaire, dans l’optique des critères de Hill, sera évalué, en admettant les limites inhérentes à l’utilisation de tout ensemble de critères pour évaluer la causalité.


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